Sélection CDNA - Janvier 2024 Mercredi 31 Janvier

Bienvenue dans ce rendez-vous mensuel qui vise à mettre en valeur plusieurs films remarquables, issus du fonds de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine. Découvrez ou redécouvrez ces films qui vous feront voyager dans l'histoire du cinéma amateur et professionnel.

 

Match de lutte libre (1934)

Produit par la Compagnie Cinématographique Canadienne, ce film met en scène Henri Deglane, le premier lutteur français et limougeaud à décrocher une médaille d’or aux Jeux olympiques de Paris en 1924. Ce film a été réalisé par l’acteur et sportif Raoul Paoli en juin 1934, au cours d'un match comptant pour le Championnat du Monde de lutte libre. En juin 1931, Henri Deglane défend son titre de champion du monde, obtenu en 1931, face à l’Américain Léo Numa. D’abord diffusé en Amérique du Nord, le film a ensuite été projeté en France au cinéma Gaumont-Palace (Paris) en août 1932, avant d'être proposé par plusieurs cinémas en province.

Né le 22 juin 1902 à Limoges, Henri Deglane déménage en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada) après l’obtention de sa médaille d’or aux Jeux olympiques. Il y fait la rencontre déterminante de Raoul Paoli, qui l’initie à une nouvelle discipline mêlant pratique sportive et représentation théâtrale : le catch. Henri Deglane devient rapidement une figure centrale de la discipline : à son retour en France, il profite de son immense popularité pour redonner un souffle à ce sport, connu sous le nom de « Catch as Catch can » par les Français.

Bien que le titre de ce document fasse référence à la lutte libre, plusieurs séquences permettent de découvrir les caractéristiques du catch, tel qu’il est pratiqué en Amérique du Nord dans les années 1930. Les lutteurs y emploient plusieurs techniques qui ne relèvent pas spécifiquement de la lutte libre mais de la mise en scène théâtrale. C’est d’ailleurs ce qu’Henri Deglane et Raoul Paoli rapportent en France : une scénarisation des combats, qui offre des rebondissements et du suspense au match.

 

"L'Enfer blanc" (Hiver 1956) : Vague de froid, Ski dans les rues de Bordeaux, Seine gelée

Si l’appel de l’abbé Pierre à la solidarité envers les sans-abris (1er février) a permis à l’hiver 1954 d’entrer dans la mémoire collective, l’hiver 1956 (« l’enfer blanc ») a également marqué durablement les esprits par son intensité et sa durée exceptionnelle. Depuis 1947, la France a connu plusieurs épisodes de grand froid mettant à mal sa population et ses infrastructures.

Le 2 février 1956, une intense vague de froid touche la France et provoque une brutale chute des températures. Plusieurs régions atteignent des températures négatives records pendant trois semaines. En Aquitaine, les températures descendent jusqu’à -15,2°. L’arrivée de la vague de froid s’accompagne également de chutes de neige abondantes dans plusieurs localités. Des images marquent rapidement les esprits des contemporains, comme la Seine entièrement gelée en région parisienne et filmée par Paul Courtines dans l’un des films de cette sélection.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que de nombreux cinéastes amateurs aient sorti leur caméra pour filmer de nombreuses scènes qui sortent de l’ordinaire. Le 21 février 1956, l’Aquitaine subit une violente tempête de neige. Le film de Maurice Labouchet, par exemple, permet de découvrir la ville de Bordeaux recouverte d’une neige épaisse (80 cm), sur laquelle les habitants se déplacent difficilement… ou sortent leur paire de skis pour circuler dans les rues de la ville.

 

Voyage en Israël (1969)

Réalisé par Robert Laplante, ce film de voyage met en scène des touristes européens visitant les principaux sites et monuments historiques de Jérusalem en 1969. Tournées moins de deux années après la Guerre des Six jours, ces images montrent plusieurs quartiers historiques de la partie est de Jérusalem, annexée par l’Etat israélien en juin 1967 par un vote de la Knesset (assemblée législative) et par la dissolution de la municipalité arabe.

Comme vous pourrez le découvrir sur ce document, la vieille ville de Jérusalem possède un patrimoine religieux et culturel remarquable lié aux trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam), réparti sur les différents monts (Mont du Temple, Mont des Oliviers). Plusieurs séquences du film prennent également le temps de montrer les habitants locaux et offrent un contraste entre les modes de vie et les pratiques de tourisme.

 

Agriculture et monde paysan : Léon, Poète et paysan, Manifestation de paysans

Les collections de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine comprennent une quantité notable de films sur l’agriculture et le monde rural. Les paysans et les agriculteurs forment l’une des rares catégories socio-professionnelles à avoir été l’objet de nombreux films amateurs. Trois films de cette sélection permettent d’apporter un aperçu de la variété de notre fonds sur cette thématique.

En tant que cinéma de l’intime et du quotidien, la production amateure s’est longtemps intéressée aux modes de vie des paysans et des agriculteurs. Les cinéastes amateurs ont souvent eu pour objectif de renseigner les modes de vie des travailleurs ruraux, d’illustrer leur vie quotidienne et de documenter leurs conditions de travail. Les films amateurs donnent à voir des manières historiques de travailler la terre ou d’élever des animaux. La figure du paysan peut même donner lieu à une forme d’héroïsation dans le cinéma amateur comme c’est le cas dans le film de Jean Le Clainche, « Poète et paysan ». Le paysan peut apparaître comme le parangon d’une vie simple liée à la terre, pétrie de traditions séculaires et éloignée des soucis de la vie moderne…

Mais les films amateurs sur le monde agricole remplissent également une double fonction à partir de 1945 : ils permettent de constituer une mémoire des pratiques paysannes et de consolider le souvenir des traditions agricoles dans un monde en profonde mutation. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture française est soumise à une profonde restructuration économique et sociale : la petite paysannerie disparait rapidement au profit des grandes exploitations agricoles. Sous l’effet de la modernisation, les campagnes se transforment et se désertifient. Dans ce cadre, le cinéma amateur documente aussi bien les transformations du travail agricole (Léon, Asphodèle) qu’il constitue une tentative de sauvegarder des techniques et des savoirs voués à disparaître. La caméra des cinéastes amateurs capte aussi parfois les tensions qui se créent entre traditions paysannes, modernisation des techniques de production et transformation de l’économie de marché : Géo Martin a, par exemple, filmé une manifestation d’agriculteurs à Saint-Yrieix-la-Perche en 1974 qui illustre l’aboutissement d’une période d’actions violentes.

 

Les publicités régionales : Deux grands yeux, Escande & Brossard, Koup's Club

La conservation et la préservation des publicités régionales constituent, pour la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine, un enjeu non négligeable. La CDNA possède de nombreux films publicitaires dans ses collections, réalisées majoritairement entre les années 1950 et les années 1980. Produites par la société France Ecrans et CINELEN, les trois publicités locales proposées dans cette sélection permettent de découvrir la variété et la richesse de ce fonds.

Apparus à l’orée du cinéma professionnel en 1898, les films publicitaires constituent encore un moment incontournable de la séance de cinéma. Projetés en avant-programme dans les salles françaises depuis les années 1920 – et donc bien avant leur diffusion à la télévision –, les films publicitaires ont longtemps été un vecteur important de promotion des grandes marques nationales et internationales mais aussi des petites enseignes locales. Les publicités locales sont, au même titre que les documents amateurs, des documents historiques qui donnent à voir au spectateur des boutiques aujourd’hui disparues et des quartiers transformés.

Délicieusement surannés, ces films sont surtout le reflet d’une époque et présentent des caractéristiques qui leur sont propres : ils renseignent sur les représentations culturelles, les codes esthétiques et les valeurs de leur époque. A plus d’un titre, ces documents peuvent constituer une source déterminante pour saisir les transformations de la société de consommation et des mœurs des Français au XXe siècle.

Auteur : Dwayne Chavenon