Sélection CDNA - Mars 2024 Mercredi 03 Avril

A l’occasion de ce nouveau rendez-vous, nous vous proposons de découvrir plusieurs films remarquables, issus du fonds filmique déposé par la famille de Jean-Marie Masse, permettant de plonger dans la riche histoire du jazz en France.

 

Jean-Marie Masse

Jean-Marie Masse est un musicien, un producteur et un animateur radio ayant œuvré à la diffusion du jazz à Limoges et en France. Né à Limoges le 22 mai 1921, Jean-Marie Masse se passionne d’abord pour la peinture et le dessin. Au début des années 1940, il devient l’élève du peintre Pierre Parot et entame une carrière dans la peinture. Mais, dans sa jeunesse, Jean-Marie Masse découvre la musique jazz grâce aux émissions de Roger Blanc sur Radio Limoges. Très vite, il se passionne pour ce courant musical et dévore tous les disques distribués en France. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Marie Masse étoffe son réseau de connaissances dans le milieu du jazz. En 1941, il donne quatre conférences sur le jazz à la salle Berlioz mais des incidents l’empêche de poursuivre son action. Jean-Marie Masse est ensuite incorporé dans le Service du Travail Obligatoire (STO) mais s’évade en 1943 et se cache des autorités jusqu’en août 1944.

A la fin de la guerre, Jean-Marie Masse abandonne sa carrière de peintre et apprend à jouer de la batterie à Paris. Sous l’impulsion d’Hugues Panassié, il se lance dans l’organisation de concerts de jazz à Limoges puis fonde, en mars 1948, le Hot Club de Limoges. Sous son impulsion, le Hot Club organisa plus de quatre cents concerts. Jean-Marie Masse devient également batteur professionnel et anime plusieurs émissions sur le jazz à la radio. En 1989, il fonde une première radio libre, « Jazz FM », puis une seconde radio indépendante, « Swing FM ».

Jean-Marie Masse a réalisé plusieurs films amateurs, au format 8 mm, dans les années 1940. Si le musicien a essentiellement filmé sa famille, ses amis et quelques voyages, il a également immortalisé de nombreuses figures incontournables du jazz lors de ses diverses expériences. Ces documents enrichissent la riche collection de documents consacrés à l’histoire du jazz, que Jean-Marie Masse a soigneusement constituée jusqu’à sa mort en octobre 2015.

Pour en savoir plus sur Jean-Marie Masse et le Hot Club de Limoges :

- Claude-Alain Christophe, Jazz à Limoges : la saga du Hot club et de Swing FM, Paris, L’Harmattan2011.

- Notice biographique de Jean-Marie Masse sur Swing FM : https://www.swingfm.asso.fr/massejean-marie/

- Nécrologie consacrée à Jean-Marie Masse parue dans Le Populaire du Centre, 19/10/2015 : https://www.lepopulaire.fr/limoges87000/loisirs/jean-marie-masse-est-parti-swinguer-la-haut_11630222/

 

Le concert fondateur de Rex Stewart

https://cdna.memoirefilmiquenouvelleaquitaine.fr/films/la-tournee-de-rex-stewart

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Informé de la présence de Rex Stewart au premier Festival international de Jazz de Nice, Jean-Marie Masse, Fabien Lamaud et Philippe Chabassier – alors étudiants – font le pari d’inviter le célèbre cornettiste et son orchestre à venir se produire à Limoges. En janvier 1948, ils mobilisent leurs réseaux pour pré-vendre les billets nécessaires à l’organisation du concert et au paiement du cachet du groupe. Leur pari est un succès : Rex Stewart et son orchestre descendent en gare de Limoges-Bénédictins le 14 janvier, pour se produire le soir-même à la salle Berlioz. Les organisateurs immortalisent doublement l’évènement, en filmant l’arrivée en gare des musiciens et le premier concert de jazz à avoir été organisé dans la ville. En février 1948, Jean-Marie Masse se rend à Nice avec sa compagne pour participer au Festival International de Jazz. Il y retrouve l’orchestre de Rex Stewart et réussit à filmer quelques personnalités remarquables, comme Sidney Catlett, Earl Hines, etc.

Rex Stewart est une figure incontournable du jazz. Ce célèbre cornettiste a rejoint l'orchestre de Duke Ellington en 1934, dans lequel il connait un grand succès. Au sein du big band d’Ellington, il coécrit plusieurs titres devenus célèbres : Trumpet in Spades (1936), Boy Meets Horn (1938), Subtle Lament (1939), etc. Rex Stewart quitte définitivement l'orchestre de Duke Ellington en 1946 pour diriger ses propres formations musicales. En 1948, Rex Stewart donne des conférences à Paris et organise une tournée en France. Il participe avec son orchestre au tout premier Festival international de Jazz, en février 1948, aux côtés de multiples célébrités comme Louis Armstrong et Django Reinhardt.

 

La visite de Mezz Mezzrow et de son orchestre

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En février 1948, Jean-Marie Masse fonde le Hot Club de Limoges en s’inspirant du Hot Club de France, présidé par son ami Hugues Panassié. Dès son retour de Nice, il se lance dans l’organisation de nombreux concerts de jazz dans la ville. Quelques mois après le concert de Rex Stewart, une autre célébrité répond favorablement aux invitations de Jean-Marie Masse : Mezz Mezzrow. Le 13 mars 1948, le musicien et son orchestre voyagent jusqu’à Limoges pour donner un concert au cinéma Le Capitole. Les organisateurs filment l’arrivée en gare de Mezz Mezzrow et de ses musiciens le jour-même, avant de poser avec eux près de la place Jourdan.

Mezz Mezzrow est un célèbre saxophoniste et producteur de jazz. Tout au long de sa carrière, Mezz Mezzrow a joué avec de nombreuses formations musicales afro-américaines aux Etats-Unis et en Europe. Il est également l’un des premiers à avoir formé des orchestres mixtes, composés de musiciens blancs et afro-américains. En 1945, il crée son propre label musical, King Jazz, avec lequel il enregistre de nombreux musiciens (Sidney Bechet, Oran Page, Sammy Price, ...). En 1948, Mezz Mezzrow constitue un orchestre pour participer au Premier Festival international de Jazz. Il rassemble des musiciens talentueux, tels que James Archey, Robert Sage Wilber, Sammy Price, George "Pops" Foster et Warren "Baby" Dodds. C’est au retour du festival de Nice que Mezz Mezzrow participe, avec son orchestre, au second concert du Hot Club de Limoges organisé dans la ville.

 

La rencontre avec Hugues Panassié

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Bien avant la création du Hot Club de Limoges, Jean-Marie Masse a longtemps correspondu avec le critique et producteur Hugues Panassié dans sa jeunesse, qu’il a découvert lors de la lecture de son premier ouvrage, Le Jazz Hot, paru en 1934. Les deux hommes échangent pendant plusieurs mois : Hugues Panassié conseille son jeune correspondant et le met progressivement en relation avec ses fournisseurs. Inspiré par le président du Hot Club de France, Jean-Marie Masse se lance, comme ce dernier, dans l’apprentissage de la clarinette.

En juin 1941, Jean-Marie Masse se rend à Montauban à bicyclette, en compagnie de sa future épouse (Paulette Masse), pour rencontrer Hugues Panassié. Le couple filme leur rencontre avec le célèbre critique de jazz à son domicile. C’est également à cette occasion que le couple filme Hugues Panassié lors d’une performance artistique étonnante, au cours de laquelle le président du Hot Club imite des musiciens de jazz en concert. Le couple profite également de ce voyage pour filmer les paysages de la Côte d’Azur et découvrir son patrimoine à vélo.

Jean-Marie Masse se rend plusieurs fois au domicile d’Hugues Panassié par la suite et a l’occasion d’immortaliser à nouveau le célèbre critique lors de spectacles réservés à ses amis. En juin 1943, Jean-Marie Masse, incorporé dans le STO, s’évade et se réfugie pendant plusieurs semaines au domicile d’Hugues Panassié, qui le cache des autorités et des forces d’Occupation. C’est à ce moment que Jean-Marie Masse approfondit nettement sa connaissance du jazz.

Hugues Panassié est un critique et producteur français de jazz influent. Né le 27 février 1912, Hugues Panassié découvre la musique jazz dans les années 1920 et en devient rapidement l'un de ses promoteurs sur le territoire français. Il participe à la fondation du Hot Club de France en 1932 et en devient le premier président - fonction qu'il exercera jusqu'à sa mort en 1974. Avec son ami Charles Delaunay, il concourt également à la création de la première revue critique française de jazz, Jazz Hot, en mars 1935. A la Libération, Hugues Panassié est au cœur d’une scission entre conservateurs et modernistes au sein du Hot Club de France. Amateur du jazz traditionnel, Hugues Panassié devient un fervent opposant à l'apparition de nouveaux courants de la musique jazz, comme le bebop. En 1948, il lance un nouveau magazine, La Revue du Jazz.

 

En bonus : Jean-Marie Masse, un acteur méconnu

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Peintre, musicien et animateur radio, Jean-Marie Masse s’est également essayé à la comédie ! Dans le cadre de ses propres films amateurs, le fondateur du Hot Club de Limoges aimait faire le pitre avec ses amis et sa famille. On imagine que c’est pour cette raison que Jean-Marie Masse accepte, en 1957, d’endosser le rôle principal du prochain court-métrage surréaliste de son ami René Chaumelle. Récompensé au festival du film d’amateur d’Asnières (1961), A mouche que veux tu met en scène un alcoolique (Jean-Marie Masse) s’amusant à concevoir des instruments de tortures, destinés à martyriser des mouches de sa maison.

Nécessitant deux années de préparation et de nombreux trucages, ce court-métrage a été tourné en une semaine dans une maison. Au cours de longues journées de tournage, Jean-Marie Masse s’investit pleinement dans son personnage, solitaire à l’écran. Les mimiques loufoques et la prestation physique du musicien nourrissent parfaitement l’atmosphère surréaliste de cette production, tout en lui apportant une touche d’étrangeté. Et lorsqu’il ne joue pas devant la caméra, Jean-Marie Masse profite des moments de préparation sur le plateau pour écrire ses chroniques sur les disques qu’il a amenés avec lui. Le jazz n’est jamais très loin…

Auteur : Dwayne Chavenon