Sélection CDNA - Les films de Noël Vendredi 20 Décembre

Noël et le cinéma amateur

 

Le fond de l’air est frais, les guirlandes lumineuses s’installent dans le salon et les odeurs d’épices envahissent les rues : oui, c’est bientôt Noël ! Pour les fêtes de fin d’année, la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine vous propose une sélection de films amateurs à (re)découvrir en famille, autour du sapin…

La période des fêtes de fin d’année a toujours représenté un moment incontournable pour les cinéastes amateurs. Les retrouvailles chaleureuses des familles, les copieux repas de fête et la traditionnelle ouverture des cadeaux ne sont-ils pas les meilleures occasions de ressortir la caméra du tiroir pour immortaliser ces moments de bonheur ? Ces séquences intemporelles, aussi anciennes que le cinéma amateur lui-même, incarnent peut-être le mieux l’idée que l’on se fait du film de famille. N’est-ce pas à cette période si particulière que Charles Pathé décida, en 1922, de commercialiser son fameux projecteur 9,5mm et de poser le premier jalon du cinéma chez soi ?

La fête de Noël est d’ailleurs l’un des sujets les plus filmés au sein des collections de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine (CDNA). Des années 1920 jusqu’aux années 1990, des générations de cinéastes amateurs se sont succédé pour mettre en scène ces moments d’insouciance et de bonheur, participant par là même à la construction d’un imaginaire commun. En effet, les films de Noël ont cette particularité de partager les mêmes motifs de mise en scène et des codes esthétiques similaires, qui évoluent peu au fil des décennies. Comme l’illustrent bien les films de cette sélection, les cinéastes amateurs produisent le même type d’images incontournables : le traditionnel repas du réveillon, la visite du Père Noël et l’ouverture des cadeaux sous le sapin sont bien souvent les temps forts des films de Noël. Ces séquences peuvent être parfois influencées par les classiques du cinéma professionnel (La Vie est belle, Miracle sur la 34e rue, …), mais certains aspects de leur mise en scène relèvent surtout des pratiques autour du film de famille. Les enfants occupent, par exemple, une place centrale dans les films de Noël qui correspond à celle qu’ils occupent déjà dans la production amateure en général.

 

Noël 1936, Fonds RIVAUX-PECHOUX, 1936

 

Joyeux Noël, Roger Brondeau, Années 1940

 

Noël 1968, Gilbert Julien, 1968

 

Noël au début des années 1980, Dominique Nolf, 1981

 

Loin d’être de simples archives festives, les films de Noël peuvent être une source précieuse pour dresser le tableau social et culturel de la France du XXe siècle et cerner des processus historiques complexes. En effet, les nombreux plans sur les salons et les intérieurs décorés constituent souvent un bon moyen pour certaines catégories sociales – comme la bourgeoisie, grande productrice de films amateurs dans l’entre-deux-guerres – de mettre en scène les particularités de leurs modes de vie et de véhiculer certains codes socioculturels. Les films de Noël apportent aussi de précieuses indications sur les transformations de la société française. L’ouverture des cadeaux des enfants est, à ce titre, la scène de Noël la plus significative : elle renseigne aussi bien sur les transformations de la société de consommation que sur l’évolution des rapports hommes-femmes, à travers le type, la qualité et le nombre de jouets offerts. Les scènes de repas ne sont pas en reste puisqu’elles offrent des indices sur la recomposition des cellules familiales et figurent l’évolution des niveaux de vie des Français sur de nombreuses décennies. La décoration des foyers offre également son lot d’informations sur l’évolution des rituels et des pratiques religieuses. Si la popularité du sapin dans les foyers ne se dément pas tout au long du siècle, la présence de moins en moins marquée des symboles religieux traditionnels, comme la crèche de Noël, manifeste la laïcisation grandissante de cette fête.

 

Noël 1938, Yvon et Suzanne Delrous, 1938

 

Noël 1956, Raymond Pelletingeas, 1956

 

Premier Noël à Chanteraine, Jean Le Clainche, 1969

 

Noël 1971, André Lorget, 1971

 

Noël aux Nouvelles-Galeries, Roland Manoury, 1963

 

Dans cette ambiance festive et ludique, les cinéastes amateurs profitent également de Noël pour travailler leur pratique cinématographique, voire se lancer dans des expérimentations visuelles et artistiques audacieuses ! Et dans cette perspective, quoi de mieux que les jouets offerts aux enfants pour s’amuser avec les codes narratifs du cinéma ? Il n’est pas rare de retrouver, dans les films de Noël conservés par la CDNA, des séquences réalisées en stop-motion (image par image), mettant en scène des jouets animés. L’exemple le plus abouti de ces expériences est un film d’animation, « Fantaisie d’un soir », réalisé par Géo Martin en 1953. Le cinéaste s’empare d’un jouet offert à son fils – Pluto, le fameux compagnon de Mickey – pour l’animer dans plusieurs séquences, tournées en stop-motion. Présenté à de nombreux festivals, le film fût salué par la critique et reçut de nombreuses récompenses (1er prix au concours annuel de l’AREA, coupe du meilleur film d’animation à Tanger en 1956, 1er prix d’animation à Orthez en 1958, …). Mais au-delà de cet aspect artistique et ludique, ces petites séquences d’animation peuvent aussi refléter la persistance de certaines croyances populaires, comme celles qui prêteraient aux animaux et à leurs avatars la capacité de parler pendant la nuit de Noël….

 

Fantaisie d’un soir, Géo Martin, 1953

 

La Magie de Noël, Jean Allary, 1938

 

Toute l’équipe de la CDNA vous souhaite de joyeuses fêtes !

Auteur : Dwayne Chavenon